Quand est-il né, d’où vient son nom et combien de « n » prend-il ? Mondialement connu, le cannelé reste pourtant la pâtisserie la plus énigmatique de Bordeaux.
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Un cannelé à l’origine légendaire
Qu’elle est belle, cette légende qui prétend que le cannelé aurait été créé par des bonnes sœurs ! Le problème, c’est qu’en matière d’histoire de la gastronomie, petits gâteaux et biscuits ont souvent tendance à s’inventer une origine religieuse. Ainsi le cannelé serait né au XVIIe siècle au cœur de Bordeaux, au couvent de l’Annonciade, confectionné par les nonnes avec des chutes de farine recueillies sur les quais près des bateaux marchands. L’histoire est jolie, mais totalement fausse. La Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Nouvelle-Aquitaine s’est installée en 1995 dans le bâtiment du couvent après des fouilles archéologiques poussées. Aucune trace de moule à cannelé. Aucune trace de la pâtisserie dans les archives du couvent. Et à vrai dire, avant le XXe siècle, on n’a aucune trace du gâteau tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Une pâtisserie au nom incertain
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L’origine de son nom fait aussi débat. Vient-il des cannelures de son moule ? Est-il dérivé des « canaules », « canolles », « canaulés » ou « canaulets », ces douceurs qui régalèrent Bordeaux jusqu’après la Révolution, mais sans aucun rapport avec la recette actuelle ? Mystère, là encore. La recette ne donne aucun indice, tant ses ingrédients sont communs : du lait, du beurre, du sucre, des œufs, de la farine, plus la vanille et le rhum. Certains en ont déduit que la vanille et le rhum venaient du commerce maritime, et que les jaunes d’œufs étaient récupérés après l’utilisation des blancs pour le collage (la purification) des vins. On n’en a aucune preuve. D’autres voient un lien de parenté avec le « biste heyt » (le tôtfait) de Gascogne, les cruchades ou les pâtes à crêpes. Mais qui eut l’idée du moule et de la forme ? L’énigme demeure.
La consécration gastronomique à Paris
Présent dans les pâtisseries et boulangeries de Bordeaux dans la première moitié du XXe siècle, le cannelé moderne n’attire pas vraiment l’attention. Il faudra attendre les années 1980 et le coup de cœur du maître boulanger Jean-Luc Poujauran, fils d’un boulanger des Landes, pour que le petit gâteau gagne ses lettres de noblesse à Paris. Sa taille se rétrécit pour en faire une mignardise.
Le cannelé s’impose alors jusque chez Fauchon, dans la gastronomie de luxe, et acquiert une aura internationale. À Bordeaux, il devient définitivement l’emblème gastronomique de la ville, et un formidable filon partagé par les artisans boulangers pâtissiers, les fabricants pour la grande distribution et les entreprises spécialisées. Deux grandes maisons se disputent le marché de la vente directe : l’historique Baillardran, créée en 1988, au succès fulgurant, avec un positionnement haut de gamme ; et la Toque Cuivrée, lancée en 2011 avec une stratégie de démocratisation du cannelé.
L’étape clé dans la réussite de la recette reste la cuisson, dont dépend la caramélisation croustillante du cannelé, un dur au cœur tendre. Le fameux moule en cuivre étamé est donc idéal pour bien répartir et réguler la température de cuisson. La difficulté reste le démoulage, dont la réussite dépend du graissage. Les professionnels conseillent d’appliquer la matière grasse en spray ou à l’aide d’un pinceau. Et là encore, le débat fait rage entre les partisans de la cire d’abeille alimentaire pour tapisser les moules et ses détracteurs qui jugent qu’elle modifie trop le goût du cannelé.
Le cannelé dans deux livres
1937 : C’est la date de la première trace écrite mentionnant le cannelé. L’écrivaine bordelaise Jeanne Alleman, amie de François Mauriac, publie sous le pseudonyme de Jean Balde La Maison au bord du fleuve où elle cite « les fameux cannelés ».
2008 : L’universitaire Isabelle Bunisset écrit Le cannelé, ce mystère nommé désir (éditions Féret), ouvrage qui creuse la vérité historique du cannelé à Bordeaux.