Élisabeth est « médecin de campagne » dans l’est de la Haute-Vienne. Elle a cette tendresse maternante au fond des yeux et, dans la voix, la fermeté d'une cheffe de tribu. À 47 ans, elle n’imagine pas une seconde quitter cette montagne limousine à laquelle, pourtant, la vie ne la prédestinait pas.
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Élisabeth est « une fille de la ville », comme l’on dit par chez elle. Élevée en région parisienne par une mère infirmière et veillée de loin par un père cardiologue, elle a grandi avec sa sœur « sans vraiment savoir ce que c’était qu’un médecin généraliste, car c’est mon père qui nous soignait », lâche-t-elle dans un éclat de rire.
« J’ai fait médecine dans le Val-de-Marne, mais j’ai su très vite que je ne voulais pas exercer en ville. » Celle qui confesse pratiquer la médecine avec une âme de mère de famille ne se voyait pas enchaîner les rendez-vous à un rythme industriel. « Sans pouvoir l’expliquer, j’avais envie d’être au plus près des patients, de les accompagner dans toute leur vie, en prenant en compte leur personne en entier. »
© Alexandre Dupeyron
Découverte du Limousin
C’est pour l’amour d’un philosophe pêcheur qu’elle a atterri vers Eymoutiers : le bout du monde, même pour les Limousins. « Mon mari et père de mes enfants, dont j’ai divorcé depuis, est prof de philo et passionné de pêche. Il avait découvert le coin à 14 ans, lors d’un stage de pêche à la mouche : sans rire ! », se souvient-elle, joyeuse.
Pendant son internat, Élisabeth l’accompagne bien volontiers en vacances. « J’avais le goût du grand air, j’ai de la famille dans les Pyrénées et j’en ai toujours gardé des souvenirs très réjouissants, donc ça me convenait de passer mes congés dans la région. » Joignant l’utile à l’agréable, elle a ainsi demandé à un médecin et camarade de pêche de son mari s’il accepterait de l’emmener pendant sa tournée.
Un vrai lien avec les patients
« On devait être en 1995 à peu près », pioche-t-elle dans sa mémoire. Et… « j’ai adoré ! », jubile-t-elle, la passion intacte, plus de vingt ans après. « Vraiment j’ai adoré, j’ai compris que c’était ce que je voulais faire toute ma carrière. Ce que j’ai aimé, c’est ce contact très singulier avec les gens. Dans un contexte comme celui-là, aussi rude soit-il, la médecine a du sens. On peut suivre des gens à tous les âges de leur vie, les accompagner dans les moments clés, on a un vrai lien avec nos patients. Tout le monde n’a pas forcément les épaules pour ça, mais, personnellement, je recommande cette expérience à tous les jeunes praticiens. »
Joignant le geste à la parole, Élisabeth est d’ailleurs maître de stage, engagement rare chez les médecins et plus encore chez ceux qui, comme elle, arpentent un territoire éclaté entre trois secteurs de consultation et suivent un petit millier de patients.
« Pour gagner ma place, je me suis damnée au travail »
© A.D.
En bonne mère de famille, elle affirme : « Ça n’est pas compliqué, c’est une question d’organisation ! Même si, me concernant, j’ai dû apprendre à respecter un certain rythme bénéfique pour mes patients comme pour ma pratique. » Et de reprendre : « À mon époque, on vivait notre métier comme un sacerdoce, et c’est vrai que quand je me suis installée, j’avais tellement le sentiment que je devais faire mes preuves pour gagner ma place parmi eux que je me suis damnée au travail, parfois aux dépens de ma famille. »
En ne comptant pas ses heures : voilà comment la fille de la ville est devenue un enfant du pays. Ici, elle aime tout. « L’environnement calme, préservé et non pollué », mais également « la qualité de vie », et le fait que « dans nos campagnes, le médecin a encore un sens, une utilité sociale, et est reconnu pour ça ».
« Ici, la vie est douce »
Joyeuse et affable, Babeth’ apprécie par-dessus tout la facilité avec laquelle elle peut s’échapper. « Quand je n’ai pas le moral ou simplement besoin de faire baisser la pression, je prends mes bottes et je vais marcher. » Passionnée de nature, cette solitaire conviviale a fait construire une maison tout en bois qu’elle désirait « respectueuse du paysage » et passe ses soirées d’hiver au coin du feu. « Ici la vie est douce et s’écoule au rythme de la nature. J’ai même deux moutons qui tondent l’herbe devant ma maison », lâche-t-elle, espiègle.
Depuis peu, elle se passionne pour la botanique, « les plantes qui soignent, les fleurs qui se mangent… ». Danse, yoga, méditation et longues marches avec son compagnon, c’est ici qu’elle a trouvé sa paix intérieure. Elle l’affirme, les stages et remplacements au fin fond de la Creuse et de la Dordogne, les longues gardes toute seule et les furieuses envies de dormir qui les ont accompagnées valaient bien ce petit coin de paradis.