Plus moderne que jamais, la vielle mène la danse dans les fêtes régionales et électrise les musiques contemporaines.
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La vielle, branchée comme la guitare
La vielle, ce n’est pas que du folklore. Oubliez l’image du joueur en sabots : la vielle peut jouer tous les répertoires. Capable de faire jeu égal avec le piano, elle ne se laisse pas écraser par la batterie. On la retrouve aussi bien au rayon traditionnel que dans les musiques contemporaines ou amplifiées. L’instrument n’a cessé de gagner en performance. Les artisans facteurs ont largement contribué à son évolution en intégrant dans leurs créations des innovations. Philippe Mousnier, luthier à Savignac-de-Nontron, en Dordogne, a ainsi collaboré avec le groupe béarnais Artús pour créer une vielle électrique « spécialement étudiée pour le tapping » (technique où l’on tape les cordes) et le « gros son ». Référence en France, le luthier a lancé avec deux autres facteurs un collectif, Perigurdy, qui expédie ses commandes jusqu’aux États-Unis.
Réinterprétation et création musicale en Béarn
© Tonio Modio
Parmi les customisations les plus extrêmes, Romain Baudoin, du groupe Artús, a greffé un manche de guitare électrique sur sa vielle pour en faire un instrument hybride, le Torrom Borrom, au son entêtant et chamanique. Mais à côté des musiques dites « drone » (les musiques de bourdon avec un son continu), le musicien basé à Lucq-de-Béarn mène des projets de réinterprétation. À l’INÒC, l’Institut occitan de Billère, Romain Baudoin a dérushé des bandes numérisées issues des collectes réalisées par le musée des Arts et Traditions populaires dans les années 1960. Au sein de son label Pagans, le Béarnais s'inspire de ces morceaux remis au goût du jour, et il aimerait voir réédité un vieux vinyle, Vielaire de la Lanas, produit par le centre Lapios, à Belin-Béliet, autrefois centre d’initiation aux musiques traditionnelles dans les Landes.
Connue dès le XVe siècle en France, la vielle a d’abord servi aux offices religieux avant de gagner la cour de Louis XV. Elle était alors un instrument bourgeois : Vivaldi écrit pour elle ; Jean-Jacques Rousseau pose avec. Popularisée, la vielle anime les bals villageois dès les XIXe et XXe siècle en Nouvelle-Aquitaine, dans les Landes et en Dordogne, du haut de la Chalosse au Périgord, et surtout en Limousin, où elle devient un véritable étendard pour la Creuse qui voit ses travailleurs partir. L’après-guerre marque une cassure jusqu’aux années 60 où la vielle fait son retour avec la musique folk.
Vielleux en ligne en Creuse
En Corrèze, le Centre régional des musiques traditionnelles en Limousin (CRMTL) mène différentes actions pour une meilleure connaissance de l’instrument. Le CRMTL s’appuie sur les archives du musée de Jenzat, dans l’Allier, pour comprendre la vitalité de la vielle dans la Creuse. Depuis Jenzat, alors centre important de fabrication, 276 vielles ont été expédiées dans la Creuse entre 1857 et 1927. La vielle se trouve historiquement mêlée à des thèmes sociaux comme l’immigration économique des maçons creusois, marquante à cette période. Elle nourrit désormais une création contemporaine, capable de relier passé et présent, comme l’illustrent des formations comme le Quasi Quatuor ou le collectif corrézien Lost in Traditions.
La vielle, comment ça marche ?
© Mousnier
- La roue. Actionnée par une manivelle, elle frotte les cordes qui vibrent et produisent alors les sons.
- Le clavier. En appuyant sur ses touches, on joue les notes de la mélodie avec les cordes chanterelles qui passent à l’intérieur du clavier.
- Le bourdon. Il peut y en avoir plusieurs, appelées petit bourdon, grand bourdon ou mouche. Cette corde libre (non liée au clavier) ne joue qu’une seule note continue, qui accompagne la mélodie.
- Le chien. Ce petit chevalet en bois, nommé cigale ou trompillon, se glisse sous la corde trompette et vibre avec elle. C’est le chien qui produit le bourdonnement caractéristique de la vielle. Les musiciens expérimentés l’utilisent aussi pour battre le rythme en donnant des coups de poignée (ou « détachés ») à chaque tour de manivelle.