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La Région Nouvelle-Aquitaine

Illustration de la série portraits de Néo-Aquitains

François Bertin, baroudeur chirurgien à Limoges

Temps de lecture 6 minutes

Chirurgien thoracique et cardio-vasculaire à Limoges, le docteur Bertin a réalisé une première mondiale en 2015 en imaginant et en implantant le premier sternum humain en céramique.

Publié le mardi 9 mars 2021
  • #Santé
  • #Chimie et matériaux
  • #Innovation

Depuis trente ans, il arpente les allées du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges. Bras croisés dans le dos et tête baissée : c’est en marchant qu’il gamberge. À 56 ans, en blue-jean et tee-shirt à fleurs hawaïennes, sa silhouette presque adolescente dénote dans l’univers feutré de l’hôpital.

François Bertin est moins homme de salon que de terrain. Il confesse d’un trait : « Je ne suis pas du sérail, c’est mon côté aventurier et bricoleur qui m’a conduit à la médecine. » De mots économe et d’esprit fulgurant, il a un profil atypique dont il ne fait pas étalage. Il faut accepter le voyage pour en percevoir les failles et les reliefs.

Le chirurgien François Bertin en salle d'opération, au CHU de Limoges
François Bertin tient le sternum humain en céramique réalisé par I-Ceram

Né d’une mère comptable et d’un père soudeur sur pipeline en 1961, il a grandi en Afrique. Mais rien de sa peau blanche ou de ses yeux clairs ne trahit sa conviction intime : « Je suis Africain. » Du Bénin au Gabon, en passant par le Nigeria et l’Algérie, il connaît chaque recoin de ce continent où il revient tous les ans. Il en a gardé un goût pour l’ailleurs, multipliant les missions internationales, en Orient notamment.

Vocation chevillée au corps

Mais c’est bien au cœur de cette Afrique majestueuse et chaotique qu’est née son ambition. Dans sa prime jeunesse, François Bertin y a découvert la valeur des « heureux accidents ». « Je suis tombé très malade, j’ai vu l’angoisse de mes parents et leur soulagement quand j’ai été pris en charge par les médecins militaires. »

Et voilà comment, par un drôle de hasard, le bambin atteint de rhumatismes articulaires aigus contractés à la suite d’une infection à streptocoque, qui aurait pu entraîner des complications cardiaques, est devenu chirurgien, dédiant ses mains, précieux outils indemnes de rhumatisme, à soigner la poitrine des autres.

Sa vocation chevillée au corps, il n’a pas dévié de son objectif même si : « ma famille, d’origine modeste, me percevait comme un original », explique-t-il. Se décrivant plus volontiers besogneux que brillant, l’élève Bertin a traversé ses études « sans plan de carrière ». Il précise : « Je me suis inscrit en médecine, puis j’ai réussi l’internat, puis le clinicat, et ainsi de suite, mais je n’ai jamais pensé être chirurgien avant que cela ne m’arrive. »

Le privé, « ça n’était pas fait pour moi. Le concept de la santé payante m’est étranger »
François Bertin

François Bertin est un affectif, il marche au coup de cœur. Il règle d’instinct sa propre pulsation sur celle des gens qui savent le saisir dans sa sincérité et ses convictions. C’est à cet endroit que se nouent les trois rencontres qui ont forgé son parcours. La première remonte aux années 1980. Quand l’Africain débarque à Limoges pour l’internat, c’est avec un regard presque exotique : « Je n’avais pas d’a priori, car je connaissais très mal la France, et je ne savais pas quelle spécialité choisir. »

François Bertin s’est donc laissé choisir par les événements qui ont mis sur sa route un mentor. Le professeur Jean Deslauriers en fait son disciple, le désignant pour l’accompagner à l’université de Laval, au Québec, où il contribua, « modestement » tient-il à préciser, aux travaux du père de la chirurgie thoracique nord-américaine. Certes, ça n’a pas le panache de la chirurgie cardiaque, mais cela lui correspond bien : un travail de précision, exigeant, une niche discrète où tout restait à faire.

Prothèse de sternum humain en céramique
La prothèse en matériau céramique assure une mobilité du thorax quasiment intacte.

De retour à Limoges, François Bertin rencontre un second père, le professeur Marc Laskar, chef du pôle de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire du CHU, avec lequel il partage la même vision holistique de la médecine, où corps et esprit forment un tout cohérent, dynamique et indissociable. Sur ses encouragements, il tente une incursion d’un an dans le privé, « pour vérifier que décidément ça n’était pas fait pour moi. Que voulez-vous, je suis un vieux con de gauche, le concept de la santé payante m’est étranger », ironise-t-il.

Rencontre décisive avec I-Ceram

Toujours à contrecourant de la doxa, il n’a plus jamais quitté l’hôpital public où, en avril 2015, il exécute une première mondiale : l’implantation du tout premier sternum humain en céramique. Là encore, une rencontre.   « J’étais médecin du sport bénévole, et je suis arrivé en retard à un match à cause d’une opération du sternum compliquée. Et c’est là que l’une des joueuses m’a parlé d’I-Ceram, une entreprise de pointe spécialisée dans les prothèses céramiques orthopédiques ! »

C’est ainsi qu’il fut invité au comité scientifique par André Kérisit, le PDG de l’entreprise basée à Limoges. Les deux hommes ont en commun un tempérament pionnier et une pensée qui privilégie les synergies plutôt que la hiérarchie : le duo fonctionne. Une dizaine d’implantations plus tard, l’ensemble des patients traités retire le plus grand bénéfice de la technique qu’il a contribué à mettre au point : zéro infection, grâce au matériau céramique ostéo-conductible et chargé en antibiotiques, une mobilité du thorax quasiment intacte et une capacité respiratoire préservée à 80 %.

D’une modestie sincère, François Bertin en décline les lauriers. « Aucun chirurgien n’est seul au bloc. » Et s’il a accepté de se laisser portraiturer, c’est pour avoir l’opportunité de rendre hommage « à l’ensemble du service, au CHU, à I-Ceram et aux patients qui nous ont fait confiance. Sans eux rien n’aurait été possible. »

 
Prothèses céramiques
Les matériaux céramiques font partie de la filière prioritaire chimie et matériaux en Nouvelle-Aquitaine.

Ses dates clés

  • 1961 : Naissance à Saint-Mandé, France
  • 1979 : Bachelier au lycée français d’Alger
  • 1986 : Internat au CHU de Limoges
  • 1992-1993 : Recherches à l’université de Laval, au Québec
  • 2000 : Nomination comme praticien hospitalier à Limoges
  • Avril 2015 : Implantation d’un sternum humain en céramique, une première mondiale

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