Lorsque l’on pense au rapport entre Napoléon III et l’Aquitaine, plusieurs noms apparaissent : Biarritz, lieu de villégiature privilégié du couple impérial, Solférino, symbole de l’aménagement forestier des Landes ou encore Eugénie-les-Bains, et peut-être encore davantage Bordeaux, ville choisie par le prince-président pour développer son programme de restauration de l’Empire.
« L’empire, c’est la paix » y proclame-t-il, faisant taire tous les esprits chagrins craignant que la restauration du régime incarné par Napoléon Ier ne conduise nécessairement à des visées expansionnistes et donc à la guerre. Jusqu’à ce voyage effectué dans le Sud-Ouest en octobre 1852, Louis Napoléon Bonaparte n’avait jamais foulé le sol aquitain. Pourtant un département, la Charente, l’avait élu député en 1848.
Ce premier voyage est crucial, car si le prince-président ne s’aventure guère sur la rive gauche de la Garonne, il perçoit l’enclavement de la région et songe à elle quand dans son discours de Bordeaux, il prône le développement des moyens de communication, le chemin de fer bien sûr, mais aussi les routes et les canaux, sans parler des liaisons maritimes. Ce programme esquissé alors sera pleinement accompli tout au long du Second Empire. Au cours de ce premier voyage, le prince-président marche sur les pas de son oncle, notamment à Rochefort. Cet héritage est également fondamental, d’autant que la région a apporté un large soutien au régime, malgré quelques poches de résistance au coup d’état du 2 décembre 1851.
Arcachon sort de terre
Par la suite, en se rendant à Biarritz avec l’impératrice Eugénie, il découvre les Landes, le Pays Basque et plus généralement les Pyrénées. Le chemin de fer traverse désormais la Grande Lande, bientôt drainée et objet d’un vaste plan de boisement à partir de 1857. La création de la commune de Solférino, à l’initiative de l’empereur, en devient le symbole. Le paysage de la région se transforme, de même que son économie. Partout les villes sont réaménagées, des ports sont créés (Socoa, Capbreton), des canaux sont creusés. A partir de 1864, on peut même circuler de Paris à Madrid par le chemin de fer, même s’il faut changer de train à la frontière. La station balnéaire d’Arcachon sort de terre, la cité thermale d’Eugénie-les-Bains voit le jour. Le tourisme se développe, précisément grâce à l’essor du chemin de fer.
Le développement de Biarritz en offre une spectaculaire démonstration. Eugénie a attiré son mari dans cette petite cité balnéaire qu’elle avait découverte quelques années plus tôt. Le couple impérial s’y fait construire une superbe villa, la ville Eugénie, tandis que la ville se transforme, avec la construction d’hôtels, d’un casino et de somptueuses demeures. Presque chaque année, à partir de 1854, le couple impérial y accueille des invités de marque, lesquels partagent promenades et bains de mer avec leurs hôtes. Parmi les invités, figurent notamment la reine d’Espagne, bientôt déchue de son trône, ou encore le chancelier Bismarck, venu à la rencontre de Napoléon III, en pleine crise avec l’Autriche. Quelques semaines ou quelques mois par an, Biarritz devient ainsi la capitale de l’Empire.
Plusieurs ministres donnés à l’Empire
Le bilan est nettement positif pour la région qui du reste apporte un large soutien aux candidats officiels lors des élections législatives. En Gironde, s’impose Emile Péreire, homme clé de la Compagnie Paris-Orléans et de la Compagnie du Midi, et fondateur de la station d’Arcachon. Dans les Landes, est brièvement élu le prince Walewski, fils naturel de Napoléon, et surtout propriétaire du domaine d’Orx. La région a aussi donné plusieurs ministres à l’Empire, à commencer par Pierre Magne, originaire de Dordogne. Au soir de l’Empire, les douze départements de la région apportent un large soutien à Napoléon lors du plébiscite organisé en mai 1870. Neuf départements sur douze sont au-dessus de la moyenne nationale, la Charente caracolant en tête avec 82 % de oui, la Gironde étant dernière avec 59,1 % de oui, par rapport aux inscrits.
C’est du reste à Bordeaux que s’affirme un fort courant républicain au lendemain de la chute de Napoléon III, en septembre 1870. C’est aussi à Bordeaux que s’installe à la fin du mois de décembre la délégation gouvernementale dirigée par Gambetta, que se réunit en février 1871 l’Assemblée nationale récemment élue et que se forme le premier gouvernement de la Troisième République, faisant de la préfecture de la Gironde la capitale provisoire du pays.
Né à Bordeaux, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, Agrégé d’histoire et Docteur en histoire, Jacques-Olivier Boudon est professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne. Spécialiste reconnu de la Révolution Française et des 2 empires. Il est président de l’institut Napoléon.