Grâce à une bourse de compagnonnage, l’écrivain Olivier Lebleu, installé à La Rochelle, a pu réaliser un livre accessible aux enfants atteints de troubles autistiques. Il y raconte une rencontre touchante entre une classe de primaire et un groupe d’enfants scolarisés dans un institut médico-éducatif.
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Rien ne prédestinait Olivier Lebleu à travailler avec des enfants atteints de TSA, les troubles du spectre de l’autisme. Ni même avec des enseignants et leurs élèves. Lui a bâti sa carrière à Paris et dans l’audiovisuel, jusqu’à devenir directeur de production pour des programmes à succès. À 52 ans, il vient pourtant de boucler une sacrée aventure avec deux classes de Charente-Maritime, celles de CM1-CM2 du village de Saint-Xandre et de l’Institut médico-éducatif (IME) Le Breuil situé à Saint-Ouen-d’Aunis, près de La Rochelle.
Entre ces deux établissements, sept kilomètres et des liens noués entre les rayonnages d’une bibliothèque. C’est là que ces jeunes ont appris à se connaître au gré des rencontres et que leurs enseignants respectifs, Laurent Maury et Marie-Noéline Blanc, ont décidé de travailler de concert. D’abord en initiant des temps de lecture partagés. Puis en faisant appel à Olivier Lebleu pour animer un atelier d’écriture.
© Alexandre Dupeyron
C’est qu’à l’orée des années 2000, ce natif du Val-d’Oise a radicalement changé de cap et de vie pour devenir écrivain. Fini Paris, direction La Rochelle, ville où il ne possède aucune attache mais pour laquelle il éprouve un réel attachement. « Un choix radical, ma ville de cœur à jamais », assure-t-il.
« Un sacré défi »
Depuis, cet anglophone multiplie – quand il n’écrit pas – les casquettes et les collaborations en tout genre : traducteur, professeur à l’université de La Rochelle et animateur d’ateliers d’écriture. « J’avais déjà travaillé avec Laurent Maury sur différents sujets. Il m’a proposé ce nouveau projet, explique-t-il. Mais un atelier d’écriture pour des enfants qui ne peuvent pas écrire, c’était un sacré défi ! »
Surtout, Olivier Lebleu ne connaît rien aux TSA : il se renseigne, étudie et finit par proposer un plan de bataille. Les élèves de Saint-Xandre devront, par exemple, réaliser des portraits des enfants de l’IME en s’appuyant sur des objets choisis par ces derniers. L’expérience est un succès. « Ça m’a vraiment ému, sourit l’auteur. J’ai ressenti tous les enjeux de l’inclusivité, l’impact de ces rencontres sur ces jeunes. »
« Je suis très fier de cette aventure, c’est ce que j’ai fait de plus émouvant. »
L’histoire aurait pu en rester là, mais les enseignants suggèrent à Olivier Lebleu de lui donner une suite sous la forme d’un livre. Là encore, l’écrivain bute sur les difficultés d’apprentissage des enfants autistes. L’ouvrage qui leur rend hommage se doit de leur être intelligible. Qu’à cela ne tienne : le néo-Rochelais s’appuiera sur des pictogrammes que ces jeunes ont l’habitude de manier.
Olivier Lebleu travaille en collaboration avec l’illustrateur Matt Vullo et l’infographiste Sonia Ahehehinnou pour mettre au point ce livre aux couleurs acidulées et dessiné à la ligne claire. L’écrivain réfléchit un temps à une fiction, mais finit par opter pour « le récit authentique de cette rencontre. Je voulais que les enfants se reconnaissent ».
Faire réfléchir sur la différence
© A. Dupeyron
En quête de financements, il obtient une bourse de compagnonnage de 6 000 euros de la Région Nouvelle-Aquitaine, de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et du CNL, le Centre national du livre. Un coup de pouce décisif complété par une aide de l’Adapei, l’Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales. Ces fonds ont permis à Olivier Lebleu de faire imprimer en juillet 2018 ce travail conçu comme un hommage : « Je suis très fier de cette aventure, c’est ce que j’ai fait de plus émouvant. »
Coécrit avec Marie-Noéline Blanc, l’ouvrage est baptisé Qui veut sonner la cloche ?, clin d’œil à la fierté d’un jeune autiste invité à actionner la cloche de l’école de Saint-Xandre lors d’un échange.
« Olivier Lebleu a su nouer des relations très fortes avec les élèves, estime de son côté Laurent Maury, l’enseignant qui a fait appel à l’écrivain devenu ami. Il est très positif et pertinent, un grand enfant qui s’investit énormément. Le projet était tout aussi énorme, nous ne savions pas où nous allions. Mais cela a beaucoup fait réfléchir les élèves sur la différence. »
Une suite éditoriale
Marie-Noéline Blanc, elle, se félicite des retombées positives que cette expérience a générées : « Des amitiés fortes se sont nouées entre les élèves des deux établissements, avec une valorisation très bénéfique. Et les parents étaient fiers ! Olivier Lebleu, lui, a su se faire accepter. C’est quelqu’un de très ouvert à la différence, au handicap. » L’enseignante et l’écrivain travaillent désormais sur une suite éditoriale. Une collection spécialisée pourrait ainsi voir le jour...
Une manière pour le quinquagénaire aux racines ch’ti et à la plume versatile de faire un nouveau pas de côté. Sa première œuvre ? Une biographie de Mike Brant, en l’an 2000. L’ouvrage, qui apporte un éclairage inédit sur la vie du chanteur israélien, a été adapté dans un documentaire sélectionné en 2003 à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes.
Suivra la publication de romans et de nouvelles, de poésie, de pièces de théâtre et de livres historiques dont l’étonnant ouvrage consacré à Zarafa, la célèbre girafe offerte à Charles X par Méhémet Ali en 1826. Olivier Lebleu se produit même dans un spectacle seul en scène.
Sa biographie en quelques dates
- Roman : La Tête sous l’eau (3 tomes, éd. Amok, 2019)
- Récits historiques : Maires Courage de La Rochelle (éd. Le Croît Vif, 2013) ; Les Avatars de Zarafa : Chronique d’une girafomania 1826-1845 (éd. Arléa, 2006)
- Livre jeunesse : Qui sonnera la cloche ? (pour enfants autistes, illustr. M. Vullo, éd. Adapei 17, 2018)
- Théâtre : Le Talisman de la girafe (éd. Amok, 2017)
- Biographie : Mike Brant : la voix du sacrifice (éd. Publibook, 2000)