Les dénominations « Limoges » et « porcelaine de Limoges » sont encadrées par une indication géographique qui garantit la fabrication en Haute-Vienne.
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La porcelaine, de la Chine à l’Europe
A l’origine de la porcelaine en Europe, il y a déjà Limoges ! C’est à un jésuite de Limoges parti aux « Indes orientales », le père François-Xavier d’Entrecolles, que l’on doit, dès 1712, un premier récit détaillé de la fabrication de la porcelaine, maîtrisée depuis des siècles par les Chinois. Une sorte d’espionnage industriel avant l’heure, pour arriver à reproduire la blancheur et la transparence de cette porcelaine dont raffolent tant les cours européennes. Une première manufacture est ouverte en Saxe, une autre à Strasbourg. En 1768, la découverte de gisements de kaolin en Haute-Vienne (à Saint-Yrieix-la-Perche puis à Marcognac…) marque le début de la porcelaine de Limoges.
Sous Louis XV, le chirurgien militaire Jean-Baptiste Darnet découvre du kaolin à Saint-Yriex-la-Perche. Il avait remarqué que les tisserands locaux utilisaient cette argile pour assouplir les toiles de lin.
La porcelaine de Limoges devient protégée par une indication géographique (IG), signe officiel de qualité et d'identification de l'origine.
En 2021, l'association pour l'IG porcelaine de Limoges compte 36 opérateurs certifiés, des fabricants ou des décorateurs, bénéficiant de l'indication géographique.
En Haute-Vienne, le kaolin devient un véritable « or blanc » pendant deux siècles, avant que les mines ne se tarissent. La porcelaine, mélange de minéraux, est composée à 50 % de cette argile blanche. Avec les poteries, les grès, les faïences, la porcelaine fait partie de la famille des céramiques, ces objets fabriqués en terre dont la matière se transforme à la cuisson. Sous forme de poudre, de pâte ou de liquide (la barbotine), la porcelaine est d’abord façonnée et cuite une première fois (la cuisson « de dégourdi » à 900 degrés) avant d’être émaillée. Elle est ensuite cuite une seconde fois à « grand feu » (1 400 degrés) puis décorée selon différentes techniques : à la main, par chromolithographie (un procédé d'impression en couleurs) ou incrustation de métaux précieux…
L’âge d’or de la filière porcelaine
© F.Roch
Approvisionnées par les mines de kaolin, les manufactures se multiplient, dans le sillage de la première manufacture fondée en 1771. La filière de la porcelaine s’industrialise au cours du XIXe siècle, avec l’arrivée du chemin de fer et le remplacement du bois par la houille dans les fours. C’est le temps des grandes usines. En 1900, à Limoges, la porcelaine fait travailler plus de 11 000 ouvriers, répartis sur une trentaine de sites. La porcelaine façonne alors la ville et son histoire sociale.
Bernardaud, Raynaud, Carpenet, Artoria, Royal Limoges, J. Seignolles, Arquié, Pergay, Médard de Noblat, Jean-Louis Coquet… sont quelques-uns des grands noms de la porcelaine, la plupart labellisés « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV). Parmi eux, l’histoire de Haviland est emblématique. D’abord importateur, l’Américain David Haviland s’installe en 1842 à Limoges pour fabriquer directement la porcelaine qu’il expédie aux États-Unis. C’est un succès : en 1900, son usine compte 16 fours et emploie près de 2 000 ouvriers. L’usine sera l’un des points de départ des grandes grèves ouvrières de 1905. Limoges y conforte sa réputation de « ville rouge », déjà acquise avec la création de la CGT en 1895.
Révolution numérique et céramiques techniques
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L’indication géographique protège désormais un savoir-faire qui allie patrimoine, luxe et innovation. La filière cultive les visionnaires, à l’image du groupe Legrand, qui s’est spécialisé dès 1919 dans les interrupteurs. Au-delà de la porcelaine, centrée sur les arts de la table, Limoges a bâti tout un écosystème autour des arts du feu et de la céramique technique. Ce tissu rassemble aussi bien des centres de formation (l’ENSA, l’École nationale supérieure d’art ; l’école d’ingénieurs ENSIL-ENSCI) que des pôles d’innovation artistique ou industrielle (le CRAFT, Centre de recherche sur les arts du feu et de la terre) et le pôle européen de la céramique, ou encore des lieux d’exposition (le musée Adrien Dubouché, intégré à la Cité de la céramique Sèvres et Limoges). Limoges, qui a obtenu en 2017 le label « Ville créative » de l’Unesco, reste au cœur des routes européennes et mondiales de la céramique.