Campée sur le beaupré de la frégate, Magali prend la pose pour la photo. A 28 ans, la jeune femme fait partie des volontaires embarqués sur l’Hermione. Rencontre à bord du voilier, lors de son escale bordelaise à l’occasion de la Fête du fleuve et du vin, juste avant l’été.
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C’est sympa de revenir à Bordeaux de cette façon-là ! J’y ai vécu deux ans, de 2012 à 2014. J’ai obtenu un master d’écologie humaine à l’université de Bordeaux 3, une formation où l’on aborde les impacts environnementaux des activités humaines. » Magali a apporté avec elle le manuel du gabier, indispensable lorsqu’on devient volontaire sur la belle frégate.
Ils sont entre cinquante et soixante volontaires de l’Hermione à chaque voyage. « Volontaires plutôt que bénévoles », tient-elle à préciser. Sans compter les professionnels salariés. À bord, il y a bien sûr le commandant, mais aussi le lieutenant de navigation canonnier, le chef de tiers, le chef des machines, le maître charpentier et le maître voilier, le bosco maître d’équipage, le chef cuisinier, l’intendant… que Magali présente, installée à une table dans « la batterie », où l’équipage prend ses repas. Les gabiers volontaires sont répartis entre trois groupes, ceux de tribord, de bâbord et du milieu, avec un chef de tiers pour chaque groupe.
© Sabine Delcour
Une belle aventure
Magali est née en 1990 à Montgivray, dans l’Indre, où elle a grandi et où vit encore sa famille. La campagne, le Berry. Rien à voir avec la mer, a priori. « C’est vraiment depuis deux ou trois ans que j’ai commencé à m’intéresser à l’Hermione. J’ai envoyé une lettre de motivation et un CV l’an dernier et j’ai été sélectionnée pour trois journées à Rochefort. Le test pour savoir si on a le vertige est déterminant. Au début, on a forcément une petite appréhension. » Le point le plus haut est à 45 mètres au-dessus du pont.
« Il faut un minimum de condition physique. Je faisais de l’aviron et du jogging. L’Hermione, c’est une belle aventure. C’est un bateau qui a suscité beaucoup de vocations. De nombreux professionnels ont commencé comme cela. Tous les chefs de tiers, les adjoints et les lieutenants ont été gabiers, eux aussi, avant de devenir professionnels. »
«En pleine mer, c’est hyper stressant»
« J’ai navigué sur deux autres voiliers affrétés par l’organisation Towt (pour le transport de marchandises), le Grayhound en juin 2017 et le Leenan Head en novembre. Comme j’ai abordé les thèmes de l’agriculture, de l’alimentation et de l’écologie dans le cadre de ma formation, je trouvais intéressant de pouvoir mixer avec la navigation. »
Magali a embarqué sur l’Hermione le 24 mai à Pasaia, commune du Pays Basque espagnol. « J’avoue qu’on a eu de la chance. On n’a pas eu à essuyer de grosses tempêtes, mais on a eu des nuits assez sombres et sans étoile quand on était sur le pont. Je me demandais si j’allais savoir monter dans le gréement. J’avais un petit peu peur. La première fois que je suis montée dans le perroquet (une des voiles les plus hautes du grand mât), cela bougeait un peu… En pleine mer, c’est hyper stressant. Heureusement, on était quatre. Le fait que l’on soit en groupe nous motive beaucoup. On sait qu’on doit y aller. Et quand on descend, on est fier de l’avoir fait. »
© Françoise Roch
Le rythme de vie des gabiers
« Quand on est de quart tribord de minuit à 4 heures du matin, on prend le petit déjeuner après 4 heures. Après on dort jusqu’à 10 h 30 et on déjeune à 11 heures. Puis on recommence le quart de 12 heures à 16 heures, avec un goûter à 15 heures. C’est le fika (« goûter » en suédois). Après 16 heures, on s’arrête. Nous dînons à 19 heures. On reprend le quart à minuit. »
« Quand on fait la relève de quart, on invente parfois des petites chansons pour souhaiter la bienvenue à ceux qui nous remplacent. L’Hermione est un monde de personnes bienveillantes. On a aussi des moments où on peut s’isoler. Les dauphins sur l’Atlantique au milieu de l’immensité marine, c’est magique. Hier soir, on a grimpé tout en haut pour regarder le coucher du soleil… »
« Quand tout le monde est solidaire, on apprend plein de choses. »
La maman de Magali est assistante sociale. Magali, elle, s’est investie pendant six mois au sein d’une ONG après son master. « Je faisais du volontariat dans le cadre d’un projet agroforestier en Colombie avec l’ONG Envol, spécialisée dans la reforestation en Amérique latine et en Asie. » Puis ce fut le Mali en 2017.
« Ma professeure de théâtre avait réalisé un documentaire sur le handicap dans plusieurs pays d’Afrique, dont le Mali. Je suis allée une semaine à Bamako avec notre troupe de théâtre. On avait créé un petit spectacle avec surtout des mimes, adapté pour des personnes parlant peu le français. Tous les jours, on jouait dans des écoles et des orphelinats. J’ai adoré. J’ai beaucoup donné de mon temps. Quand tout le monde est solidaire, on apprend plein de choses. C’est cela que j’aime. Quand on grimpe aux mâts, c’est la même chose. On est de plus en plus à l’aise au fur et à mesure et donc on peut aider les autres. »
Magali repart en juillet sur le Fleur de Lampaul avec Les matelots de la vie, une association qui œuvre en faveur d’enfants hospitalisés. À la rentrée, c’est La Rochelle qui l’attend, avec un CAP de boulangerie à l’horizon. Pour ne pas rompre le lien avec l’agriculture, l’écologie et l’alimentation durable. Magali aimerait un jour ouvrir une boulangerie bio et animer des ateliers d’éducation à l’alimentation. Et pourquoi pas sur un bateau ?
Ses dates clés
- 1990 : Naissance à Montgivray
- 2014 : Master d’écologie humaine à Bordeaux 3. Volontariat en Colombie
- 2017 : Navigation sur le Grayhound et le Leenan Head. Volontariat à Bamako
- 2018 : Gabière sur l’Hermione
Navire emblématique du XVIIIe siècle, l’Hermione a entièrement été reconstruite à Rochefort, en Charente-Maritime. Le projet, soutenu par la Région, a été lancé en 2007 et s’est achevé en 2014, après 17 ans de chantier. Lorsqu’elle n’est pas en mer, l’Hermione et ses ateliers de maintenance se visitent à Rochefort au sein de L’Arsenal des Mers.
L’Arsenal des Mers