Ancienne graphiste, Carole s’est reconvertie dans l’agriculture bio à Châtignac. Et elle a emmené quatre générations de sa famille avec elle, dans ce changement de vie en Charente.
- #Agriculture
- #Bio
- #Particulier
C’est une ferme posée sur un promontoire, au milieu de la campagne charentaise. Sous le grand marronnier de la cour, Carole, 39 ans, quelques fils blancs dans ses cheveux châtains, contemple avec satisfaction les quatre générations joyeusement réunies à sa table. « C’est mon regroupement familial à moi ! », plaisante l’agricultrice.
© Constance Decorde
Quand ils ont racheté la ferme à Châtignac, en Charente, en mars 2014, Carole et son compagnon arrivaient du Tarn pour se lancer dans l’élevage. « Fabriquer sa nourriture, ça m’a toujours fasciné », confie l’ancienne graphiste qui, ni une ni deux, a passé son BPREA, le brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole. Elle a rebaptisé la sienne « Chez Tata Caro, tout est bio », une féminisation qui tranche avec la coutume paysanne, et la marque d’un engagement fort, sans compromis. « On voulait faire du bio, et tout de suite. Ce n’était pas négociable. »
L’entraide entre générations
L’élevage, Pascal, 47 ans, connaît. Originaire du coin, il a grandi dans la ferme de ses parents puis travaillé comme ouvrier agricole. Si lui et sa femme forment un binôme efficace, ils s’attaquent alors à un véritable défi : mener de front la conversion en bio et l’éducation de trois enfants, leurs jumeaux nouveau-nés et Telly, le fils adolescent de Carole. « J’ai vite eu besoin d’aide, se rappelle-t-elle. Ma mère habitait à Nancy, je lui ai dit de venir s’installer en Charente. » Trois mois plus tard, Granny, 64 ans, était là. Première prise familiale.
L’intéressée, qui joue sur le canapé du salon avec Ange et Lisa, 4 ans désormais, aspirait à une vie tranquille, dans la nature. « Mais quand ma fille s’est retrouvée submergée, mes propres soucis sont passés à l’arrière-plan. » De fait, elles ont reproduit à leur façon le schéma de la ferme traditionnelle, fondée sur l’entraide entre générations. « Et puis, j’ai plus de plaisir à m’occuper des petits qu’à être seule chez moi. Je retrouve la même sérénité qu’il y a quarante ans », poursuit-elle.
« J’ai fait le grand saut,
j’ai tout bazardé »
Pourtant, la plus belle prise de Carole, c’est Mamie Renée, sa grand-mère de 89 ans, qui pensait finir ses jours sur la Côte d’Azur. Déterminée à la faire venir elle aussi, l’éleveuse lui a déniché un deux-pièces charmant à dix kilomètres de sa ferme, à Chalais, le bourg de la région, et mis en place un suivi médical adapté. « J’ai fait le grand saut, j’ai tout bazardé », explique la coquette octogénaire, encore amusée par cet élan et ravie de se rapprocher de sa famille, qu’elle voit à présent tous les jours.
D’autant que Sophie, la sœur de Carole, et sa fille Rose, débarquées d’Avignon à l’été 2017, se sont installées à l’étage. Ces dernières ont été convaincues par la qualité de vie découverte à l’occasion des vacances. « Au début, je me disais : plutôt mourir qu’habiter la campagne ! Mais un matin, je me suis levée, il y avait de la brume, les animaux, les aliments du jardin sur la table, se souvient Sophie. Je ne regrette pas, ici tout est plus simple et plus sain. »
Bio et vente directe
Plus simple, plus sain. C’est le modèle que prônent Carole et Pascal : le bio accessible à tous. Sur leurs 114 hectares de terres cultivées, ils élèvent une quarantaine de mères limousines, une soixantaine de brebis, des cochons et toute une volaille, poules pondeuses, canards de Barbarie et oies de Guinée, en autonomie alimentaire grâce aux cultures biologiques associées. Un travail de titan pour lequel ils reçoivent parfois l’aide de Christopher, 37 ans, le cousin de Carole installé entre-temps dans le coin.
Et, pour garantir la qualité à un prix raisonnable, leur production (viande à la découpe ou transformée en saucisses, terrines et pâtés) est écoulée en vente directe, soit directement à la ferme, soit en livraison ou colis aux particuliers, dont certains sont abonnés à la page Facebook de la ferme.
Mais l’engagement de Carole pour une meilleure alimentation ne se limite pas à ses propres produits. Elle est désormais présidente de la MAB16, le groupement des agriculteurs bio de Charente. Et, quand son emploi du temps le permet, elle décroche même son téléphone pour interpeller les politiques pendant la matinale de France Inter.
« On va réussir, mais c’est dur », avoue Pascal, heureux de faire les choses à sa façon après avoir travaillé pour divers patrons, tous en agriculture chimique. « C’est à notre génération, maintenant, de faire changer les choses », insiste-t-il. Pour se diversifier, le couple vient de planter huit hectares d’arbres fruitiers et a lancé un financement participatif afin d’acquérir un pressoir qui permettra de gagner en autonomie. En attendant, d’autres membres de la famille se préparent à les rejoindre en Charente. Pour elle et sa tribu, Carole ne manque pas de projets.