Ecologue à l’université de La Rochelle, Émeline Pettex s’engage avec 1000 autres femmes pour développer le leadership féminin et accélérer la lutte contre les changements climatiques.
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Nous ne sommes qu’au début du chemin », assure Émeline Pettex. Chercheuse en écologie marine au sein de l’université de La Rochelle, cette quadragénaire a participé l’hiver dernier à la quatrième expédition du programme international Homeward Bound en Antarctique.
Lancée en 2016 en Australie, cette initiative entend créer, d’ici à 2026, un réseau de 1 000 femmes à travers le monde pour accroître leur impact sur les décisions planétaires et lutter contre le changement climatique. « Il s’agit de développer le leadership des femmes dans ce domaine », résume l’écologue, seule femme en France à avoir rejoint en 2019 la quatrième cohorte de ce programme.
© Kim Anh Le Cao
Développer le leadership des femmes scientifiques
Astrophysiciennes, biologistes, étudiantes en psychiatrie, vétérinaires, chimistes, entrepreneuses : les 99 participantes affichent toutes des compétences de haut vol. Les chiffres, pourtant, continuent à parler d’eux-mêmes. Si les femmes sont globalement plus diplômées, elles restent sous-représentées dans les postes hautement qualifiés : en France, par exemple, elles représentent 37 % des chercheurs et 24 % des professeurs d’université.
C’est pour endiguer ce phénomène qu’est né le programme Homeward Bound. Il s’articule autour d’une formation de douze mois et propose aux participantes des clés pour imposer leurs idées et influencer la prise de décision en faveur d’un monde durable, à l’échelle mondiale. « L’idée est de développer le leadership des femmes scientifiques », résume Émeline Pettex qui a un temps buté sur ce terme anglo-saxon.
« Il faut désormais aller plus vite, apporter plus de solutions aux décideurs. »
« Ce qui m’a parlé dans ce projet, ce sont les 1 000 femmes réunies autour de la science et du changement climatique. Mais j’avais du mal à appréhender la question du leadership. J’avais l’image du super cadre de la Défense à Paris, ou des politiciens en costume ! » Cette prise de conscience constitue justement le cœur même du programme centré sur la visibilité des femmes, leur capacité à influencer le cours de l’histoire, les stratégies pour y parvenir et leur nécessaire collaboration. « Les femmes sont porteuses d’une vision à long terme, elles inspirent souvent plus confiance dans la gestion d’un projet. Elles sont aussi plus inclusives », énumère-t-elle.
Trois semaines en Antarctique
Pour créer une émulation entre les 100 femmes de chaque cohorte, le programme Homeward Bounb s’achève chaque année par une expédition de trois semaines en Antarctique. Objectif : « Couper avec le quotidien, créer des liens pour bâtir le réseau et mesurer les effets concrets du changement climatique. L’Antarctique est l’endroit le moins soumis aux activités humaines. Il est pourtant indirectement très impacté par les changements globaux. Des paquebots y déversent également chaque jour des centaines de touristes... »
Pourquoi l’universitaire a-t-elle postulé à ce programme ? « Ma fille avait un an lorsque j’ai candidaté, détaille-t-elle. En tant qu’écologue, j’ai senti une grosse responsabilité sur mes épaules vis-à-vis d’elle et de son avenir. » Au regard de l’urgence climatique, le travail en laboratoire suffit-il ? « Produire de la connaissance, c’est notre métier. Mais il faut désormais aller plus vite, apporter plus de solutions aux décideurs et divulguer nos savoirs au-delà des seules publications scientifiques. »
Un réseau à l’échelle européenne
Née en Savoie, Émeline Pettex n’imaginait pas un jour quitter ses montagnes pour se consacrer à l’étude de la mégafaune marine – oiseaux et mammifères. Un séjour sur les îles Kerguelen servira de déclic : la scientifique réoriente alors son travail et rédige une thèse sur les Fous de Bassan. « Au départ, j’étais très portée sur les cétacés. Puis je me suis tournée vers les oiseaux marins, plus accessibles. Mais mon point faible, ça reste les éléphants de mer. À terre, ils n’ont pourtant pas grand-chose pour eux », plaisante-t-elle.
De l’Antarctique, ce « continent neutre et universel », Émeline Pettex est rentrée « gonflée à bloc » et distille depuis dans son laboratoire les bonnes idées glanées lors de ses rencontres. Mais pour les ambassadrices du programme Homeward Bound, le principal frein reste financier. Sans le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine et de nombreux acteurs, la chercheuse n’aurait pu réunir les 18 000 euros nécessaires.
Jean-Marc Ogier, le président de l’université rochelaise, n’a pas hésité longtemps avant de soutenir son initiative : « Émeline Pettex est l’une de nos pépites scientifiques et contribue au rayonnement de notre institution. J’espère que cela suscitera d’autres envies. »
Forte de cette expérience, Émeline Pettex travaille désormais avec d’autres femmes du programme à la création d’un réseau à l’échelle européenne. « Pour agir plus localement, précise l’écologue, et pour continuer à développer le leadership des femmes dans leur environnement de travail. »