A l’occasion du vote de la feuille de route santé 2023-2028, trois experts ont exceptionnellement été invités à intervenir devant les élus régionaux. Ces échanges ont remis en lumière la nécessité d’aborder la santé à travers le concept One Health, une seule santé.
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Que veut dire One Health, ce concept d’une seule santé ? Comment développer la santé dans toutes les politiques ? Et quelles sont les possibilités d’actions au niveau de la Région ? Les élus régionaux ont adopté la feuille de route régionale santé pour la période 2023-2028, lors de la séance plénière du 27 février 2023. Avant le vote, trois experts ont exceptionnellement pu prendre la parole au sein de l’hémicycle de l’Hôtel de Région de Bordeaux, pour une session d’échanges avec les élus qui a permis de réexpliquer la nécessité d’agir de façon globale pour la santé et de mieux préciser l'approche One Health.
Les intervenants :
- Sylvie Poirier, directrice générale adjointe de la surveillance et de la planification en santé publique, ministère de la santé et des services sociaux du Québec
- Gilles Bœuf, biologiste et spécialiste de la biodiversité, ancien président du Museum national d’histoire naturelle, élu régional de Nouvelle-Aquitaine.
- Denis Malvy, professeur des universités, praticien hospitalier infectiologue responsable de l’unité des maladies tropicales au CHU de Bordeaux, chercheur au Centre Bordeaux Population Health, membre du comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS) depuis octobre 2022.
Comprendre One Health
Avoir une vision globale de la santé : c’est tout l’enjeu du mouvement One Health. Le biologiste Gilles Bœuf est revenu sur l’émergence de cette initiative, promue au début des années 2000 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’organisation mondiale de la santé animale (OIE) et les Nations Unies. Le mouvement One Health, littéralement « une seule santé », « promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, végétale, animale et environnementale aux échelles locale, nationale et planétaire ».
One Health lie donc la santé de l’humain à la santé des animaux, ainsi qu’à la santé des plantes et de l’environnement. Cette approche globale offre une vue d’ensemble pour comprendre et agir face aux différentes problématiques, qui se voient toutes reliées entre elles : les activités humaines polluantes qui contaminent l’environnement ; la déforestation qui fait naître de nouveaux pathogènes ; les maladies animales qui frappent les élevages ; ces mêmes maladies animales qui finissent par être à l’origine de maladies infectieuses pour l’humain (les zoonoses)…
L’objectif, reprend Gilles Bœuf, est désormais de faire de One Health « un projet politique », en mettant en place par exemple des dispositifs participatifs. Il s’agit maintenant de voir, indique le biologiste, « comment la Région, à son échelle à elle, peut mettre tout cela en musique pour le transformer en projet politique pour le bien-être des citoyens. »
Prévention en santé : l’exemple du Québec
Sylvie Poirier, du ministère de la santé et des services sociaux du Québec, a pu partager le retour d’expérience de la province de Québec, au Canada. Pour déployer une santé dans toutes les politiques, la province de Québec a mis en œuvre de 2015 à 2025 un programme d’actions interministérielles de la politique gouvernementale de prévention en santé.
Cette approche prend en compte tous les contextes (du milieu familial au contexte économique, social et culturel…) et recherche une synergie des politiques en mobilisant les ministères de façon transversale. L’objectif, indique Sylvie Poirier, est de responsabiliser les décideurs quant à l’impact des politiques sur la santé.
Le programme québécois s’est fixé des objectifs très concrets : comme faire bondir de 20 % la proportion de jeunes de 12 à 17 ans actifs durant leurs loisirs et déplacements. Ou atteindre la consommation minimale de 5 fruits et légumes par jour chez plus de la moitié de la population. En plus de renforcer les collaborations entre les ministères, le plan d’actions a réussi à impliquer les collectivités, jusqu’au niveau municipal, en leur faisant prendre conscience de leurs pouvoirs d’actions pour la santé.
Le risque des nouveaux virus
Denis Malvy est revenu sur le risque des maladies infectieuses dites nouvelles ou émergentes. Face à ces épidémies, « nous devons penser global mais agir local », a indiqué le professeur, qui a rappelé la situation géographie de la Nouvelle-Aquitaine : une région bordée à l’ouest par sa façade atlantique. Le territoire paie donc un lourd tribut à l’influenza, zonoose virale par excellence. Apportée par les migrations d’oiseaux, qui parfois viennent d’Asie après un long périple, cette grippe évolue et va jusqu’à contaminer les volailles domestiques, les porcs, les ruminants, les chevaux, les chiens et chats, pour risquer d’atteindre au final les humains. La zoonose soulève des questions en lien avec l’agriculture ou la vaccination.
« La démarche One Health est aussi un enjeu, pour nous les scientifiques »
Autre exemple abordé par le professeur Malvy : les virus (dont la dengue) transmis par les moustiques comme le moustique tigre. L’apparition et la propagation de ces viroses est lien avec le changement climatique mais doivent surtout être appréhendées, insiste le professeur, par le prisme de l’aménagement du territoire. La gestion des îlots de chaleur et d’humidité est une solution pour contrer la présence des moustiques tigre.
« La démarche One Health est aussi un enjeu, pour nous les scientifiques, a conclu Denis Malvy. Nous devons apprendre, c’est cette fameuse co-construction, à nous parler entre nous et à donner une parole, non pas commune, mais convergente, que l’on soit médecine, vétérinaire, ou écosystémiste. Il faut avoir de l’audace. Cette audace, je suis certain qu’elle porte de l’innovation. In fine, elle doit aboutir à de la filière vertueuse, éthique et économique. »