Le comité scientifique d’étude de la biodiversité lancé par la Région a rendu ses conclusions en décembre 2019. Le constat et les recommandations ouvrent des pistes à des actions coordonnées respectueuses du vivant.
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Anticiper l'érosion du vivant
Créé fin 2017, le comité scientifique Ecobiose évalue le fonctionnement des socio-écosystèmes, c’est-à-dire les sociétés humaines qui exploitent des écosystèmes ou des ressources naturelles, illustrant notamment la dépendance des sociétés humaines à la nature. Mis en place par le conseil régional, il a regroupé et compilé le travail de 150 chercheurs de la région, soit plus de 1000 publications scientifiques.
Dans le prolongement d’AcclimaTerra sur les impacts du changement climatique, l’étude analyse les enjeux liés à l’érosion de la biodiversité dans cinq socio-écosystèmes principaux : les grandes plaines agricoles, les forêts, la vigne, les milieux urbains, les prairies et pâturages.
Ecobiose permet d'anticiper les conséquences de l'érosion du vivant et de la dégradation du fonctionnement des écosystèmes sur les domaines de la société humaine, aussi bien l'agriculture, le tourisme, la santé...
En effet, l’économie régionale de Nouvelle-Aquitaine dépend fortement de l’exploitation des ressources naturelles. A titre d’exemples, la Nouvelle-Aquitaine est la 1ère région française et européenne pour la valeur de sa production agricole, elle est le 1er employeur viticole de France, elle produit 27% de la récolte de bois nationale, elle accueille 28 millions de touristes/an.
Nourrir l’action publique
Les conclusions de ces 2 années de recherche doivent nourrir l’action publique pour la transition écologique. La Région les intégrera dans la stratégie régionale pour la biodiversité qu’elle élabore avec l’Etat pour la fin 2020. A travers la feuille de route NéoTerra, qui définit une trajectoire de transition écologique globale pour la Nouvelle-Aquitaine un certain nombre d’actions répondant aux conclusions de l’étude « a déjà été lancé [par la Région] » estime Nicolas Thierry, vice-président en charge de l’environnement et de la biodiversité, « comme l’acquisition par la Région de 2500 hectares d’espaces naturels ou la création de 7 nouveaux espaces naturels. » Début 2020, la Région a proposé un appel à manifestation d’intérêt structuré autour de grands axes : remettre la diversité dans les paysages, retrouver des continuités écologiques pour permettre aux espèces de se déplacer sans entrave, favoriser le retour de la nature en ville, préserver les pollinisateurs en limitant les produits chimiques (lancement de territoire sans pesticides pour les intercommunalités soutenus à 80% par la Région), actions pour la biodiversité marine mais aussi avec les entreprises pour favoriser l’écoconception et recherches de solutions fondées sur la nature (par exemple pour la dépollution des sols avec des champignons).
Lors de la présentation en salle d’assemblée, le président de Région a pour sa part rappelé le « défi immense et l’opportunité pour la Région que présente la transition dans le secteur agricole, peut-être le plus important pour la réussir ». De son côté, Gérard Blanchard, vice-président chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, a présenté les pistes pour la recherche.
« Notre travail met des chiffres sur des menaces pour permettre de mieux réagir. Il doit permettre de trouver des compromis pour des solutions les plus résilientes possibles » a rappelé en conclusion Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS, qui a dirigé l’ensemble de l’étude Ecobiose.
de perte globale d’oiseaux en 20 ans
c’est ce que peuvent rapporter les abeilles dans un champ de colza
c’est la quantité de CO2 qui peut être stockée entre les rangs de vigne lorsqu’ils restent enherbés.
Vincent Bretagnolle, qui a piloté l’étude Ecobiose, nous en précise le contenu.
Nous sommes partis de l’idée que l’interaction entre une société humaine et un écosystème est cruciale. La société humaine exploite l’écosystème et celui-ci subit la pression de cette société et y réagit. La région Nouvelle-Aquitaine est la plus grande région agricole d’Europe, elle vit aussi de l’écotourisme, des ressources halieutiques et du bois. L’économie de la Nouvelle-Aquitaine repose avant tout sur l’exploitation des ressources naturelles, donc de la biodiversité. Ecobiose quantifie, sur la base de la littérature scientifique, les impacts économiques et culturels de la biodiversité. Il ne s’agit pas juste de faire un état des lieux, mais de quantifier son rôle.
On se rend compte qu’il existe des effets très positifs et pas du tout marginaux : la biodiversité permet d’augmenter les rendements. Par exemple, sur la production de colza et de tournesol, la multiplication du nombre d’abeilles par 100 permet une hausse de 40 % des rendements. La pollinisation du colza par les abeilles représente 120 euros de plus par hectare pour l’agriculteur. En forêt, le simple fait d’avoir ne serait ce que deux espèces d’arbres plutôt qu’une seule augmente de 15 % la biomasse produite. Dans les prairies, cette hausse est même de 60 %. En vigne, maintenir les couverts enherbés entre les rangs stocke une tonne de CO2 par hectare et par an de plus que lorsqu’ils sont labourés. Les effets positifs de ce type se déclinent dans tous les domaines.
Nous nous sommes intéressés à la biodiversité fonctionnelle autant qu’aux espèces communes ou aux espèces patrimoniales. Le déclin des espèces ordinaires est souvent occulté, mais très impactant. Il est clair que le déclin des insectes, et notamment des pollinisateurs est un sujet de préoccupation majeur. Même chose pour les oiseaux. Ils sont au sommet de la chaine alimentaire et indiquent donc un dysfonctionnement global des écosystèmes. Dans le sud des Deux-Sèvres, 90 % des populations de perdrix a disparu en 25 ans et un tiers des populations d’alouettes. C’est préjudiciable d’un point de vue cynégétique, car nous sommes la plus grande région de France en nombre de chasseurs. Mais cela a aussi un impact direct sur l’agriculture. En effet les oiseaux régulent les populations d’insectes en été, et en hiver mangent les graines de la flore spontanées, qu’ils éliminent à près de 50 %.
Le déclin est global et assez prononcé, notamment dans les systèmes agricoles, viticoles et dans une moindre mesure, forestiers. Il y a deux raisons principales à cela : l’intensification des pratiques agricoles (plus de pesticides et de mécanisation), et la simplification des paysages, qui aboutit à l’élimination des haies, des inter-rangs dans les vignes, des prairies, menant à une uniformisation. On peut ajouter à cela l’artificialisation des terres. La Gironde et la Charente-Maritime détiennent sur leur littoral un record d’espaces bétonnés. D’où l’importance de mettre en place des mesures de politiques publiques, pour gérer convenablement la ressource et maintenir la biodiversité.