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La Région Nouvelle-Aquitaine

Lac Vassivière

Carnet de marche à Vassivière

Temps de lecture 12 minutes

Olivier Bleys part à la découverte de Vassivière, toujours au rythme de la marche : le rythme idéal pour découvrir notre territoire. Suivez le guide.

Publié le mercredi 5 juillet 2017
  • #Tourisme
  • #Particulier
Carte au trésor

Ne négligeons pas l’importance des mots — leur malice, parfois. Un autre marcheur, Olivier Lemire, a fait sa spécialité de relier à pied des sites dont les noms se répondent : en 2008, il a joint le petit village de « la Vie », dans la Creuse, au lieu-dit « la Mort », dans le Doubs.

Le mois de juin torride qu’a souffert notre région, les températures record qui ont sévi en Nouvelle-Aquitaine, me portaient, moi aussi, à chercher la fraîcheur dans des lieux aux toponymes frisquets. Vassivière est de ceux-là.

J’ignore si le simple énoncé de ce nom, Vassivière, vous procure comme à moi un délicieux frisson ? Un effet, bien sûr, du vaste plan d’eau artificiel de 7600 hectares qu’abrite le site, et des fameuses parties de baignade ou de canotage promises par l’étendue liquide... Mais Vassivière, à l’oreille de l’écrivain, promet mieux encore. C’est un nom à la finale fraîche, claire et lumineuse, qu’un poète classique comme Malherbe aurait rangé parmi les rimes féminines (porteuses d’un « e » muet). Et, certes, Vassivière rime agréablement avec clairière, vert, croisière, fougère — mon dictionnaire de rimes suggère aussi, tout aussi humide : aquifère, batelière, baptistère, vasière…

L’étymologie confirme d’ailleurs cette vocation liquide : Vassivière signifierait « le temple de l’eau », du celte vas, temple et iver, eau ou rivière. Non loin du site occupé aujourd’hui par le lac, un sanctuaire aurait existé, dédié à une divinité des sources.

Dans la touffeur extrême de ma vieille voiture sans climatisation, je me répète ce nom, Vassivière, comme un mantra de fraîcheur. Les vitres sont baissées mais l’air qui s’engouffre paraît sortir d’un four. Trente-six degrés sont annoncés au plus chaud de la journée. Cette fois, l’altitude appréciable du site (700 mètres), son climat préalpin et ses forêts de conifères n’ont pas freiné la canicule. Il faudra s’en accommoder. Heureusement, dans mon sac de marche, j’emporte une serviette et un maillot de bain.

Vassivière rime aussi avec tourbière. Au nord du lac, du côté de Masgrangeas, se déroule un « circuit des tourbières » qui pique ma curiosité. En général, le marcheur fuit les terrains mouillés. Il préfère le rocher sec, la terre bien compacte, il se méfie des sols vaseux dans lesquels les pieds s’enfoncent et les chevilles se tordent. Il aime mieux endurer la poussière que la boue, le soleil que la pluie. L’humidité engendre les moustiques et autres nuisances ailées qui le tourmentent.

Mais le site Internet de Vassivière décrit ce circuit dans des termes engageants. On y parle des sphaignes, des « végétaux primitifs très particuliers », sortes de mousses dont la lente décomposition engendre la tourbe, on y évoque des « bas marais couverts de tremblants », des « tourbières bombées actives à laîches à ampoules » (!), tout un paysage, vert et mystérieux, porteur d’un lexique lui aussi peu commun, où j’ai envie d’étendre mes foulées.

Le sentier part de Masgrangeas, joli hameau aux maisons de granit, solides et raboteuses, qui m’évoquent des meules carrées. Nous ne sommes qu’à un jet de pierre du lac, caché derrière les frondaisons, pourtant l’on se croirait au cœur de la forêt. Pas n’importe quelle forêt : une chênaie ancienne, un bois à sources et à dolmens où l’on vénère des pierres sacrées. Je me rappelle mes randonnées en Limousin, dans les monts de Blond ; c’est la même atmosphère qui règne ici. D’ailleurs, les monts se trouvent dans le voisinage — une centaine de kilomètres plus à l’ouest.

Cerné de tous côtés par les arbres, Masgrangeas pourrait être un repaire de lutins ou de sorciers. Deux ânes harcelés par les taons paissent au milieu du village, qui me regardent avec des yeux humains. Nul doute qu’on attribue des vertus magiques à l’eau dont je prends quelques gorgées, au bec d’une fontaine coulant près des dernières maisons.

Un peu plus loin démarre le sentier. Il prolonge le goudron qui s’achève, et avec lui la civilisation. Sortie du fond des âges, une croix rustique marque l’angle du chemin. Je l’imagine, cette croix, objet de cultes immémoriaux par des druides en robes longues.

Je me suis levé aux aurores pour profiter de cette journée de solstice, la première de l’été. La lumière du matin est splendide, encore magnifiée par la brume qui flotte à un mètre du sol et blanchit les pattes des animaux au champ. Tous les vingt pas environ, je quitte mon sac et sors mon matériel de reportage. Cette randonnée est l’occasion d’étrenner des accessoires tout neufs, choisis pour m’accompagner dans ces marches tout-terrains. Je suis équipé d’un pied photo, d’un enregistreur six pistes et d’une véritable lanterne magique : ce téléphone intelligent dont le double objectif, pas plus gros qu’un œil de poule, possède l’acuité visuelle d’un œil de rapace.

Muni du téléphone, je tourne mes premières séquences : Olivier marchant vers la caméra, s’en éloignant ; un insecte butinant une fleur ; des champignons soulevant l’humus ; un jeu d’ombres sur la mousse... Malgré l’inconvénient des moustiques (noté sur mon carnet, pour la prochaine fois : apporter essence de citronnelle), les tourbières valaient bien le détour.

Vassivière Contemplations

En trois heures, j’ai marché à peine huit kilomètres, et sans voir encore le lac de Vassivière. Il est temps de rejoindre mon point de départ en coupant par la route. Je pensais tout faire à pied mais un coup d’œil à ma montre me dicte, sagement, l’option automobile.

C’est ce que j’ai rendez-vous, à seize kilomètres d’ici. À midi pile, sur l’île de Vassivière aménagée au centre du lac, l’équipe du centre international d’art et du paysage va réactiver une œuvre de François Bouillon, « Solstice d’été. » En quoi consiste l’opération ? À allumer plusieurs mèches huileuses brûlant à l’intérieur de la sculpture, pour que la fumée noircisse aléatoirement le granit.

Tel est le protocole voulu par le plasticien, auquel se conforme chaque année le personnel du centre d’art. Pas cette fois, hélas : la mise à feu est annulée, car la canicule fait craindre un incendie. Aussi, ma ponctualité est-elle sans objet.

Lorsque, ruisselant de sueur après avoir couru sur la passerelle qui joint l’île au continent, j’atteins le centre d’art en haut d’une colline, Marianne Lanavère, l’aimable directrice, reçoit en toute simplicité ce grand garçon en tenue d’extérieur, les épaules tartinées de crème, les cuisses moulées dans un cycliste noir. Elle me propose une douche et de partager le déjeuner de ses collègues. Pas le temps, hélas.

Dans un sémaphore détaché du bâtiment principal, une équipe installe la prochaine exposition.

Chantier d’artistes

La directrice m’entraîne dans une longue visite du bâtiment, chef-d’œuvre d’Aldo Rossi et de Xavier Fabre vanté par tous les manuels d’architecture. Depuis un quart de siècle que le centre est sorti de terre — sorti à peine, car sa ligne basse suit l’horizon —, des plasticiens de tous pays ont médité sur le paysage, fondant leurs œuvres de bois, de pierre ou de métal à la nature environnante.

Le centre International d’Art & du Paysage

Marianne satisfait ma curiosité sur la façon de travailler des artistes, en particulier sur leur lien au territoire, aux savoirs et aux matériaux d’ici.

Au cœur de la ruche

Non loin du centre, mes pas s’attardent dans ce « bois de sculptures » où palpitent, mêlées à la végétation, des créations tantôt discrètes voire estompées, tantôt monumentales — et l’une d’elles, Je siffle au bord du quai de Dominique Petitgand, d’une aura particulière puisqu’elle émet du son des dizaines de mètres à la ronde. 

« Je siffle au bord du quai » de Dominique Petitgand

En découvrant cette exposition de plein air, je songe au poème de Baudelaire, l’un des rares qu’ait conservés ma mémoire : « La Nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles. » C’est bien le sentiment d’un espace sacré, intime et murmurant, que diffusent cette soixantaine d’œuvres forestières.

Vassiviere Bois de sculptures

Retour sur la terre ferme, et donc sous le soleil. C’est le milieu de l’après-midi et la chaleur fait miroiter le tain du lac. Un canoë deux places glisse sous la passerelle et s’immobilise. Attendant penché à la rambarde qu’il reparaisse de l’autre côté, je finis par perdre patience. Les rameurs n’ont pas l’air pressés de quitter l’ombre du pont. Tant pis pour le cliché.

Passerelle vers l’île

En quête moi aussi de fraîcheur, j’embarque sur le bateau-taxi pour une courte traversée diagonale, des abords de l’île jusqu’à la plage de Broussas, haut lieu des bains d’eau douce et des sports de plein air. Aujourd’hui, le lac est paisible mais au plus fort de l’été, des voiliers, des canots, des pédalos et d’intrépides skieurs nautiques le labourent en tous sens. Il faut alors cloisonner le plan d’eau, le diviser en régions liquides par l’étirement de longs colliers de bouées jaunes et rouges.

La navigation est lisse, à l’image du lac qui ne fait pas de vagues, du paysage tout en ondulations. Les contours du plan d’eau pourtant sont très découpés, indice d’une origine humaine. Sur une carte, sa forme irrégulière me rappelle l’estomac à poches des ruminants, tel que le représentait mon manuel de sciences naturelles, au collège. Je me penche sur le sillage du bateau, mais l’eau sombre ne laisse rien transparaître des hameaux et des routes qui, après-guerre, ont été submergés par la mise en eau du barrage. Régulièrement, le lac est vidé pour l’entretien des installations électriques. La dernière fois, en 1995, onze tonnes de poissons ont été repêchées au fond. Brochets, sandres et perches en majorité.

Vassivière En bateau

Retraite au vert

Sans m’en rendre compte, j’ai franchi une frontière pendant la courte traversée en bateau : la limite des départements de la Haute-Vienne et de la Creuse passe au milieu du lac.

Natif de Lyon, vivant à Bordeaux, je connais mal ces régions vertes où les voies automobiles taillent dans l’épaisseur des arbres, parfois sur des dizaines de kilomètres. De quelque côté qu’on approche Vassivière, c’est un grand bain de feuillages avant le bain tout court. La ville la plus proche, Limoges, se trouve à une heure de route. En direction du sud, la traversée du parc naturel de Millevaches en Limousin, contigu à celui des Volcans d’Auvergne, offre au citadin une immersion dans la nature sauvage - réalité méconnue de notre pays où, rappelons-le, la forêt gagne désormais sur les zones urbaines.

Bois d’œuvre

Le bateau a accosté. Je me mêle aussitôt aux baigneurs. Mon podomètre affiche treize kilomètres, et j’ai sauté le repas de midi ; j’ai bien le droit de faire trempette... La brasse est délicieuse dans l’onde si tiède qu’elle semble avoir chauffé dans une casserole. La plage accuse une pente idéale, inclinée juste assez pour facilement mettre à l’eau hommes et canots. On a le choix de l’herbe ou du sable pour étendre sa serviette, du plein soleil ou d’ombres variées (chênes sessiles, pins sylvestres, quelques saules).

Ça fleure bon les vacances...

Vassivière à la coule

Si les jambes vous démangent

Mais la chaleur alimente un énorme cumulonimbus à l’aplomb du lac. Avant que ce gros nuage mette sa menace à exécution, je m’enroule dans une serviette et gagne le « sentier des rives », qui passe un peu en retrait de la plage. Je veux faire quelques pas sur ce circuit pédestre, long d’une trentaine de kilomètres, dont l’itinéraire malicieux promet « passerelles sur pilotis, digue à fleur d’eau et ponts en planche de granit. »

Suivez les couleurs

Un autre chemin noue une boucle plus modeste autour de la lande du Puy de la Croix, domaine du Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres. C’est un sentier d’interprétation voué aux milieux humides, à la faune et à la flore étonnantes qui les colonisent — telles ces fleurs carnivores dont les cils perlés de mucilage, sorte de glu sucrée, battent au ras des mousses.

Hélas, j’ai trop tardé. À genoux, plongé dans l’observation des droséras rouge corail, je sens des gouttes choir sur mes épaules. L’eau du ciel et l’eau du lac convergent à l’horizon brumeux. Vite ! Fermons ce carnet avant de mouiller le papier !

Vassivière Jour de marche

Découvrez l'ile de Vassivière avec Vidéo Guide

Cette application téléchargeable sur Google Play et Apple Store vous propose tout un parcours dans le Bois de sculptures de l’île de Vassivière, autour du Centre d’art et du Château – Résidences de recherche et de création, à la découverte du paysage, de l’architecture et des œuvres d’art contemporain qui leur font écho.

Pour plus d'informations, suivez le (Vidéo) Guide

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