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La Région Nouvelle-Aquitaine

Dax

Carnet de marche à Dax

Temps de lecture 11 minutes

L'écrivain-marcheur Olivier Bleys nous emmène à Dax pour une nouvelle exploration urbaine en Nouvelle-Aquitaine.

Publié le vendredi 14 juin 2019
  • #Carnet de marche
Carnet de marche Dax - café du départ

C’est un rituel auquel je manque rarement : avant chaque marche, boire un café. Ces quelques gorgées noires introduisent, accompagnent et souvent concluent mes randonnées urbaines. 
Me voici donc attablé dans la banlieue de Dax, à la terrasse ensoleillée d’une buvette dont les clients me regardent, amusés, nouer les lacets de mes chaussures de sport. 
C’est un drôle d’endroit pour entamer l’exploration à pied de la station thermale landaise. Je lance mes premiers pas dans une zone pavillonnaire qui reflète les influences rivales des champs tout proches, et des activités industrielles de la périphérie. 

« Observer la banlieue, c’est observer l’amphibie », écrivait Victor Hugo. Le paysage sous mes yeux lui donne raison. Une charmante route de campagne, au talus rougi de coquelicots, mène à la déchetterie.

En route pour la déchetterie...

Plus loin, traversant un pont routier, je ramasse un sou en aluminum dont les inscriptions émoussées livrent un millésime, 1999, et une banque émettrice, celle d’Indonésie. Par quel hasard cette pièce de cent roupies a-t-elle atterri là ? 

Une pièce de 100 roupies indonésiennes
Entrée de l’observatoire de Dax

Au volant de leurs engins, les automobilistes me regardent curieusement. Pourtant, je sais où je vais. Ma destination est l’observatoire de Dax qui propose, chaque vendredi soir, des séances d’exploration du ciel. Malgré un accès peu commode, loin du centre-ville, en bordure de la voie ferrée et d’une route passante, l’observatoire bénéficie d’une bonne fréquentation. C’est un club d’astronomie comme on les aime, aux mains de passionnés qui entretiennent eux-mêmes le matériel et assurent bénévolement les animations.

J’ai de la chance. Le portillon est ouvert. Deux membres de l’association bricolent un télescope, sous l’une des coupoles du site. Je passe une tête à l’intérieur des bureaux. Des lunettes de toutes tailles, une photo du pic du Midi, un écran qui affiche une carte du ciel... Des globes planétaires s’alignent sur les étagères. Une maquette du Concorde tournoie au plafond. Un vrai cabinet de curiosités astronomiques...

Au sud de Dax est implanté le centre international de formation hélicoptère, où s’instruisent les pilotes militaires français et étrangers. C’est là, en bordure de tarmac, dans le vrombissement continu des appareils, qu’un petit musée de l’hélicoptère et de l’aviation légère s’est installé. 
J’arrive un quart d’heure avant la fermeture et boucle ma visite au pas de charge, guidé par un ancien pilote qui connaît en détail la trentaine d’aéronefs exposés. Les rares percées dans la tôle du hangar donnent sur les pistes. « Vous vous intéressez aux hélicoptères ? », demande le guide. « Je m’intéresse aux noms en petits caractères sur la carte », lui dis-je.

Il est temps d’orienter mes pas vers le centre-ville. Les rayons obliques du soleil font rougir les façades des belles villas, en alternance avec celles d’immeubles modernes. 

Joliment nommée, la « rue du sel gemme » porte le souvenir d’une industrie locale, l’exploitation du sel minéral dont la région abrite d’importants gisements. On rencontre encore, à proximité, les citernes fumantes d’un grossiste en sel. Mais cette rue mène aussi aux « jardins solidaires et écologiques », créés par la mairie à l’usage de familles ou d’associations. 
Glissant mes pas dans ceux d’un jardinier à brouette, je longe les haies où s’épanouissent rosiers et clématites. 

Meublés par les familles de cabanes, parfois de tables et de bancs, ces potagers domestiques s’adossent au parc botanique du Sarrat, un des « jardins remarquables » de France. De là, je rejoins en ligne droite un autre espace vert : le « balcon de l’Adour », une promenade d’un demi-kilomètre le long du fleuve.

Contigu au centre-ville, l’endroit est bien connu des cyclistes, maîtres de chiens et autres coureurs à pied. Il attire aussi les joueurs de tennis de table, grâce aux équipements dédiés.

C’est un lieu parfait pour lire, l’oreille bercée par le glouglou du « trou des pauvres » ainsi qu’on appelle, en contrebas de la piste, une fontaine qui dispensait autrefois aux miséreux l’eau et les boues thermales. 

Le trou des pauvres

Il reste deux heures avant le coucher du soleil. Au doigt levé, j’improvise un itinéraire sur ma carte numérique. Comment relier efficacement tous les sites que je dois visiter ? En informatique, ce défi d’optimisation s’appelle le problème du voyageur de commerce. Et, de fait, il n’est pas simple au marcheur d’inclure dans une même boucle des lieux aussi distants que le couvent des Dominicaines, à l’ouest, ou les arènes, à l’est. 
Lançons-nous ! Je m’engage sur une passerelle moderne qui franchit l’Adour. Un passant désœuvré a tracé à la craie, sur la rampe en bois, la silhouette des immeubles de la rive opposée.

Parmi les façades, il en est une qui se détache par le caractère de son architecture, mais aussi la blancheur crue de son enduit. C’est l’hôtel Splendid, chef-d’œuvre Art déco de l’entre-deux guerres, dans tout l’éclat d’une récente rénovation. Le palace aux 149 chambres est fameux pour son escalier lumineux inspiré, dit-on, de celui du paquebot Normandie. À l’étage inférieur, un grand espace thermal entretient l’illusion de l’hôtel-navire flottant sur des eaux souterraines.

De l’autre côté de la rue, un bâtiment-frère qu’on doit au même architecte, André Granet, a connu un destin différent. L’atrium est né casino, mais accueille aujourd’hui des spectacles. 

Un bourg du côté de Montpellier, Balaruc-les-Bains, dispute à Dax son sceptre de première station thermale de France. Mais l’eau de Dax, qui jaillit brûlante des profondeurs de la terre, et une variété de boue locale enrichie à l’algue bleue, le péloïde, qui en est pétrie, restent très estimées des curistes. De nombreux établissements, installés en centre-ville à quelques rues les uns des autres, proposent des cures en rhumatologie et en phlébologie.

Les brochures touristiques mentionnent une vieille légende, à l’origine de la vocation thermale de la cité : la guérison du chien rhumatisant d’un légionnaire romain, grâce aux vertus des limons de l’Adour où l’animal s’était vautré. Une statue de bronze, dans les rues de Dax, célèbre ce fameux duo. 
Si ce quasi-miracle n’est pas attesté, la fréquentation des thermes dacquois dès l’Antiquité est, en revanche, bien documentée. Voilà des siècles que la fontaine chaude, bâtie sur l’emplacement d’anciens thermes romains, écoule à gros débit son eau minérale. 

La fontaine chaude

Jadis, la température élevée de la source (64 °), constante en toute saison, permettait d’y cuire des aliments. Aujourd’hui, ce sont des curistes et des visiteurs, assis aux terrasses des cafés alentour, qui hument les vapeurs du bassin rectangulaire. 

Avec le thermalisme, l’autre emblème de Dax est peut-être la course landaise, parmi d’autres traditions tauromachiques célébrées lors des ferias locales. Aux murs des cafés s’affiche un compte de rebours : le nombre de jours avant la prochaine feria, qui se tient chaque année vers la mi-août. 
Dax figure parmi les rares villes françaises à disposer d’arènes de première catégorie. Orné d’une tête de taureau, le porche polychrome m’évoque un palais babylonien. 

J’ai suivi dans le même quartier, sur la distance d’un jet de pierre, une section encore debout de l’enceinte gallo-romaine de la ville. La plus grande partie de ce rempart imposant, dressé dans l’Antiquité tardive, a hélas été détruite entre 1858 et 1876. 

Quelques tronçons subsistent chez des particuliers. J’ai rendez-vous avec un couple de galeristes, Martine et Louis Cambriel, dont l’immeuble s’adosse aux fortifications romaines. « Voilà deux mille ans que notre maison est habitée… », m’annoncent-ils fièrement, avant d’énumérer les pièces archéologiques mises au jour lors de travaux d’excavation.

Dom-Art : le nom de la galerie provient d’une expression latine, Domus Artis, « la maison de l’art. » Il reflète tout à la fois l’ancienneté du bâtiment, et la confusion délibérée que ses propriétaires entretiennent entre l’espace d’exposition et leur lieu d’habitation. 
Cette vaste demeure acquise au début des années 1970 a été, quatorze ans durant, le siège d’un chantier complexe pour la convertir en galerie d’art, et quasi-musée. À chacun de ses trois étages ouverts au public, l’immeuble est rempli d’œuvres — tableaux, sculptures, céramiques, choisis et assortis avec goût par le couple Cambriel.

Dom-art Galerie

Tout en assurant la visite, Louis Cambriel partage avec moi ses réflexions sur l’art, sur son rôle social en particulier.

Après quoi, frottant ses paumes l’une contre l’autre pour les chauffer, il fait la démonstration d’une de ses œuvres préférées, un « Arbre à son », véritable bois chanteur, du sculpteur José Le Piez.

L’exposition de rue « Artistes en ville »

En quittant la galerie, je traverse une exposition de plein air, des peintres dont les toiles n’ont pas trouvé à s’abriter chez Dom-Art.

Commence une longue déambulation par les rues de Dax, en cercles de plus en plus larges, pour terminer cette longue journée à pied. 

Une volée de cloches me donne le signal du retour. Elle enrôle, semble-t-il, plusieurs églises du voisinage dont les carillons chantent par-dessus les toits. 

Les madeleines de la maison Cazelle

Je dois me coucher tôt, en prévision d’un lever très matinal : mon second rendez-vous est le lendemain, avant huit heures, sous l’enseigne de la maison Cazelle, « spécialité madeleines de Dax ». Voici plus d’un siècle que cet établissement familial cuit ses biscuits au 6, rue de la Fontaine Chaude. À quelques dorures près, la devanture verte n’a pas changé depuis 1906. 

On m’a demandé d’être ponctuel. Ne pas se présenter plus tard, mais surtout pas plus tôt — sans quoi, je risquerais de surprendre la recette de la fameuse madeleine, dont les ingrédients comme le déroulement restent un mystère. On m’a prié aussi de ne prendre qu’un léger petit-déjeuner, afin de garder de l’appétit pour la dégustation…
À l’heure dite, me voici devant de la biscuiterie. J’arrive au bon moment pour filmer le pétrin en action puis la cuisson des madeleines, plus courte que je ne l’imaginais. Plus bruyante, aussi.

Madeleines

Le biscuitier retrace pour moi l’histoire de sa famille et me livre, à mots choisis, quelques aspects de son commerce. Puis c’est son fils Sébastien qui prend la parole. Avec son frère Clément, il va bientôt reprendre l’affaire, et souhaite insuffler un nouvel esprit aux madeleines de Dax.

Les madeleines sont si légères qu’on viderait facilement la boîte, et même la vingtaine de plateaux sortis du four, ce matin. En quittant la boutique, j’éloigne à grandes foulées cette tentation. 
J’arpentais hier la périphérie sud de Dax. Me voici au nord, par-delà la voie ferrée, sur le territoire de la commune limitrophe de Saint-Paul-lès-Dax. Dans un décor de banlieue, mêlant petites maisons et friches industrielles, se niche une église romane, étape discrète sur le chemin de Saint-Jacques. Un amateur d’art ecclésial déchiffre pour moi les chapiteaux sculptés de l’abside, datée du XIIe siècle.

Vingt-sept kilomètres marchés, depuis hier. J’arrondis le chiffre en abordant les rives du lac de Christus, qui étale ses eaux tranquilles aux limites de l’agglomération. Sur la piste sableuse s’avancent d’un pas lent les curistes, d’effectif presque égal à celui des pêcheurs de carpes. 

Quant à moi, j’occupe un banc sous la pluie fine qui commence à tomber. Elle forcit bientôt, et des promeneurs font demi-tour. Cependant, les madeleines de Dax sont à l’abri dans mon sac à dos : l’essentiel est sauvé.

Un bar au centre de Dax

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